compléments

Après des années d’expérience en tant que nutrithérapeute, j’ai remarqué que quasiment toutes les personnes qui viennent me voir en consultation ont des idées arrêtées sur les compléments alimentaires de manière générale, et sur certains compléments en particulier. Sauf qu’à mon sens nombre de ces idées sont loin d’être fondées et je m’évertue à leur expliquer pourquoi. Cela m’a inspirée à partager avec vous certaines de ces idées reçues et pourquoi je ne suis pas forcément d’accord…

« Les compléments, c’est du bonus »

Oui on aimerait tous avoir tout ce dont on a besoin via l’alimentation. Sauf que…

  • nos aliments sont aujourd’hui moins denses en nutriments du fait des techniques d’agriculture intensive, pesticides de synthèse, appauvrissement des sols etc ;
  • le stress dont nous souffrons tous puise dans nos ressources nutritionnelles et crée des carences ;
  • des médicaments courants comme la pilule créent eux aussi des carences en micronutriments ;
  • nos modes de vies modernes en demandent beaucoup plus à notre corps, autrement dit il utilise beaucoup plus de carburant, i.e. de nutriments ;
  • en cas de dérèglements, maladies, soucis de santé… si on veut utiliser la nutrition comme “thérapie” (c’est tout le principe de la nutrithérapie), alors ce qu’on met dans l’assiette de suffit pas.

Voici tout autant de raisons pour lesquelles je pense que si on souhaite prendre soin de sa santé via la nutrition, les compléments alimentaires sont des outils incontournables. Néanmoins vous ne m’entendrez jamais recommander des compléments alimentaires spécifiques ici, comme si tout le monde pouvait en bénéficier. Les compléments alimentaires sont une réelle expertise qui requiert de faire du cas par cas. Ce n’est pas parce que ce sont des compléments qu’on ne peut pas faire de nombreuses erreurs avec et empirer voire créer n’importe quel souci de santé avec une supplémentation non adaptée !

 

« Naturel, c’est mieux »

Dans le monde des compléments alimentaires, c’est la mode du naturel. Pourquoi pas, sauf que parfois le naturel agit au détriment de la qualité du complément alimentaire. Ainsi, souvent, le synthétique peut être à privilégier, surtout quand on utilise des compléments à visée thérapeutique (versus à visée “confort”).

En effet des compléments synthétiques peuvent être plus biodisponibles (i.e. mieux utilisés au niveau cellulaire), plus puissants, et présenter une méthode de délivrance plus optimale pour une meilleure absorption que les compléments naturels.

Par ailleurs, les compléments synthétiques permettent de mettre des dosages beaucoup plus intéressants et donc thérapeutiques dans une gélule (versus les compléments naturels).

Aussi, ce n’est pas parce qu’un nutriment est « synthétique » qu’il n’a rien de naturel ! Par exemple l’oxyde de magnésium (magnésium marin) est certes un magnésium naturel, mais il est très mal absorbé, il a une mauvaise biodisponibilité. J’ai tendance à recommander des magnésiums avec une meilleure biodisponibilité qui sont dits synthétiques car c’est du magnésium naturel associé synthétiquement (processus appelé « chélation ») à un acide aminé (lui aussi naturel) pour une meilleure absorption et un usage particulier. La chélation (synthétique) permet aux propriétés naturelles du magnésium d’être reconnues et bien absorbées et utilisées par le corps.

Attention cependant : pour moi le bon synthétique, c’est du synthétique qui réplique ce qui est reconnaissable et utilisable par le corps (biodisponible). Mais il existe du mauvais synthétique i.e. des compléments synthétiques qui ne répondent pas à ces exigences (par exemple le fameux acide folique, forme synthétique de vitamine B9, qui est très mal utilisée par le corps comme je vous l’explique ici).

Donc attention au marketing : “naturel” n’est pas forcément mieux !

 

« Tout le monde doit prendre de la vitamine D »

Déjà la vitamine D n’est pas une vitamine, c’est en réalité une hormone stéroïdienne. De la même manière qu’on ne prendrait pas des hormones “comme ça”, je ne pense pas que prendre de la vitamine D de manière routinière soit anodin.

Ensuite, la vitamine D ne peut pas être utilisée si vous êtes carencée en magnésium (ultra courant), si les cofacteurs du magnésium sont insuffisants (potassium, bore, B6…) ou si vous n’avez pas suffisamment de cholestérol.

Par ailleurs, la vitamine D testée dans le sang (25-OH) est la forme inactive. Or une forme inactive basse n’est en aucun cas une garantie que la forme active, qui n’est quasiment jamais testée (1,25-OH), n’est pas ok. En se complémentant en vitamine D à l’aveugle (puisqu’on n’a pas testé la vitamine D active), on peut générer un excès de vitamine D dans le corps, ce qui est tout autant problématique qu’une insuffisance de vitamine D.

Aussi, la complémentation en vitamine D peut contribuer à la fragilité osseuse/à la déminéralisation des os et à la calcification des tissus si on n’a pas suffisamment de vitamine K, magnésium, potassium ou bore. Ces nutriments font en sorte que le calcium aille et reste dans les os. Sans eux le calcium a tendance à fuire des os (ce qui les fragilise) et à venir se loger là où il peut en calcifiant nos artères, nos organes, nos articulations… La vitamine D favorisant l’absorption du calcium, dans ce scénario elle peut empirer ces mécanismes.

Enfin beaucoup de vitamines D disponibles à l’achat sont sous forme de gouttes d’huile. Or ce sont souvent des huiles que j’ai tendance à déconseiller (colza, tournesol…).

Il y aurait tellement plus à dire sur la vitamine D mais comme d’habitude, à mon avis on ne peut pas recommander “à tout le monde” de se complémenter en vitamine D. Je pense au contraire qu’il faut faire du cas par cas !

« Tout le monde doit prendre des multivitamines »

Clairement non, tout le monde ne devrait pas prendre de multivitamines. Pour la simple et bonne raison qu’on est tous différents bio-chimiquement, on a tous des besoins très individuels.

Et prendre des multivitamines à l’aveugle sans savoir réellement ce dont on a besoin peut au mieux ne rien changer, au pire créer des soucis de santé.

Je le vois très régulièrement en consultation : en cherchant les besoins spécifiques de chacune de mes clientes je leur fais souvent arrêter des compléments, notamment des multivitamines, qu’elles prenaient en venant me voir pour la première fois.

Dans les multivitamines, parmi les nutriments qui se trouvent dans les compo et qui peuvent faire le plus de mal : le cuivre et le fer car il est très fréquent qu’on en ait trop dans notre organisme (sans le savoir). La prise de ces compléments peut ainsi participer à l’excès de cuivre et de fer qui sont délétères pour la santé. (Ici je ne parle pas des multivitamines de grossesse dans lesquelles il peut être intéressant de voir du cuivre et du fer… c’est un autre sujet !).

Comme d’habitude, il faut procéder au cas par cas.

 

« Je suis carencée en fer, donc je dois prendre des compléments de fer »

Le problème avec cette phrase, c’est que le plus souvent, même si la ferritine est basse sur la prise de sang, on n’est pas réellement carencée en fer. Sauf qu’on a tendance à se baser uniquement sur la ferritine pour déterminer si on est carencée ou non et donc si on a besoin de complément de fer ou non.

La ferritine n’est pourtant qu’une pièce du puzzle en ce qui concerne le fer : c’est une protéine de stockage qui ne nous indique en rien la quantité de fer en circulation, à quel point le fer est utilisé, recyclé, métabolisé… Donc clairement la ferritine seule pour évaluer le statut de fer, c’est réducteur.

Par ailleurs la ferritine a tendance à augmenter quand il y a des infections ou beaucoup d’inflammation dans le corps. Ce pourquoi certains scientifiques pensent même qu’il vaudrait mieux avoir une ferritine basse, plutôt que “normale”… !

En cas de ferritine basse sans réelle carence en fer, la prise de compléments de fer peut créer un excès de fer qui est dangereux pour la santé : trop de fer c’est oxydant (ça abîme, ça enflamme), ça nourrit les infections chroniques (parasites & co), et ça peut favoriser la mort des cellules (ce qu’on appelle la ferroptose).

Et quand bien même on serait réellement carencée en fer (ce qui est finalement bien plus rare qu’on le pense), sachez que le fer a besoin d’autres nutriments pour être utilisé, notamment de la vitamine A active ou encore du cuivre biodisponible. Une complémentation de fer uniquement ne résout donc souvent pas le problème.

Bref, tout ça pour dire que je suis extrêmement vigilente avec la complémentation en fer, tout simplement parce que le sujet est bien plus complexe qu’il n’y paraît !

Pour creuser le sujet, je vous invite à vous procurer le replay de ma conférence sur le fer.

 

« Il faut faire des pauses pour éviter l’accoutumance »

Mes clientes me demandent souvent si elles doivent faire des “cures” ou des “pauses” dans la prise de tel ou tel complément alimentaire par peur du risque d’accoutumance, autrement dit le corps pourrait s’habituer au complément ce qui pourrait lui faire perdre son efficacité et donc son intérêt.

Or en tant que nutrithérapeute, je travaille essentiellement avec de micro-nutriments (vitamines, minéraux etc) pour lesquels il n’y a pas d’accoutumance qui se développe. Ces micronutriments, c’est le carburant de chaque réaction chimique qui se déroule chaque seconde dans notre corps. Autrement dit on ne risque pas de s’en “lasser”, de s’y accoutumer.

Avec la prise de plantes à des doses thérapeutiques, cela peut être différent et au cas par cas oui éventuellement on peut développer des accoutumances. Mais je ne suis ni phytohtérapeute ni herbaliste donc je ne travaille que rarement avec.

Cela ne veut pas dire qu’il faut prendre des vitamines et minéraux sur le long terme sans se poser de questions. Naturellement ça peut ne pas être adapté. Comme d’habitude il faut personnaliser !

« Il faut se complémenter sur la base d’une prise de sang »

Une prise de sang mesurant les vitamines et minéraux peut grandement nous induire en erreur… En effet :

  • une prise de sang ne montre qu’un « snapchot » à un instant t, ce qui est très réducteur.
  • le sang ne contient qu’1% du magnésium du corps, qu’1% du calcium du corps, le reste devant se trouver dans les cellules justement, dans les os… ce qui n’est pas très révélateur finalement
  • la santé ne se passe pas dans le sang, elle se passe dans les cellules. Or la teneur en vitamines et minéraux du sang n’est PAS un miroir de la teneur nutritionnelle au sein de la cellule.
  • en effet, le sang est un véhicule censé délivrer les nutriments aux cellules, or on peut avoir beaucoup de zinc dans le sang mais le zinc ne rentre pas forcément dans les cellules (c’est très courant !)

Bref, une prise de sang parfaite peut tout à fait cacher des carences cellulaires parfois creusées. Je le vois systématiquement en consultation, quand on réalise un test de cheveux (HTMA) qui analyse 35 éléments dont 28 minéraux et 7 métaux lourds, le tout au sein de la cellule, dans une période de 3 à 4 mois. Un test beaucoup plus pertinent à mes yeux pour évaluer le statut nutritionnel réel (cellulaire !). Mais qui requiert un praticien formé et expérimenté pour l’interpréter correctement.

« Tout le monde doit prendre des omégas 3 »

Je ne pense pas que tout le monde doive prendre des omégas 3. Oui théoriquement, les omégas 3 sont anti-inflammatoires, donc c’est bien, sauf que…

Déjà en terme de qualité on trouve davantage d’omégas 3 de mauvaise qualité que de bonne qualité. Les omégas 3 sont des acides gras ultra fragiles qui nécessitent un contrôle qualité rigoureux, des processus d’encapsulage particuliers, et qui tiennent assez mal dans le temps (ils rancissent, i.e. s’oxydent particulièrement vite et deviennent ainsi inflammatoires… le comble). Très souvent, les gens prennent donc des omégas 3 pro-inflammatoires… sans le savoir !

Ensuite, l’inflammation n’est pas le diable. Oui, l’inflammation chronique n’a rien de bon et peut créer ou intervenir/alimenter n’importe quel souci de santé. Cependant un peu d’inflammation locale et ponctuelle est nécessaire pour certains processus de notre corps. Trop d’omégas 3 pourrait inhiber certains de ces processus (comme l’ovulation !).

Aussi, quand on a une alimentation omnivore de qualité, on mange déjà possiblement suffisamment d’omégas 3 actifs (EPA, DHA) qu’on retrouve dans les produits animaux de qualité.

Ceci étant dit, des omégas 3 sous forme de compléments alimentaires peuvent être très pertinents dans certaines situations particulières, comme par exemple la grossesse, entre autres.

Bref, tout ça pour dire que, comme d’habitude, j’ai tendance à penser que non, “tout le monde” ne devrait pas prendre des omégas 3 (ou n’importe quel autre compléments d’ailleurs). Je pense au contraire qu’il faut faire du cas par cas !

Que pensez-vous de toutes ces idées reçues ? En avez-vous d’autres que je pourrais expliciter dans un prochain article ?