fer

En consultations, peut-être que 70% des clientes qui viennent me voir se sont déjà fait prescrire du fer par leur médecin, ou conseillé du fer par leur pharmacien, parce que leur ferritine est basse sur leur prise de sang. Or pour moi une ferritine basse n’est absolument pas une garantie qu’il y a une réelle carence en fer. Et au-delà du fait que les compléments en fer les plus prescrits sont clairement de piètre qualité, se complémenter en fer quand on n’en a pas réellement besoin peut amener à un excès de fer qui est tout bonnement toxique. Je ne compte plus les clientes qui prennent du fer sur le long terme, ou « on & off » depuis l’adolescence parce que « j’ai tendance à être anémiée » ! Et connaissant un peu plus intimement le fer, ça me rend folle.

Dans cet article, je vous en dis plus sur ma vision des choses quant à la ferritine : pourquoi la ferritine ne suffit pas à déterminer le statut de fer, pourquoi sa mesure seule mène à des erreurs, et pourquoi c’est finalement assez réducteur.

Au-delà de la ferritine

La ferritine est une protéine de stockage : c’est comme un placard où on range le fer. Tant que le fer est dans le placard (ferritine), on ne peut pas l’utiliser. Pour être utilisé, le fer doit sortir de la ferritine (sortir du placard) grâce à l’hepcidine ( une hormone produite par le foie) et la ferroportine (une molécule qui ouvre ou ferme la porte du placard). Puis la transferrine (autrement appelée sidérophilline) transporte le fer dans le sang jusqu’aux cellules qui en ont besoin. Le fer entre ensuite dans les cellules grâce aux récepteurs de la transferrine. Ce n’est qu’une fois tout ce chemin réalisé, et toutes ces protéines ayant fait leur travail, que le fer peut enfin être utilisé !

Ainsi, la ferritine n’est qu’un maillon de la “chaîne du fer”. Mesurer la ferritine seule (le placard) ne nous indique que le fer qu’il y a dans le placard (en stock), mais ne nous indique pas s’il est transporté dans le sang, s’il intègre les cellules et est correctement utilisé. Ce pourquoi on peut avoir une ferritine basse, mais suffisamment de fer en circulation / utilisation. Et avoir une ferritine tout à fait correcte voire même élevée sans que le fer soit utilisé et donc en ayant des symptômes de « carence en fer ».

Les cofacteurs du fer

On l’a vu, le fer fonctionne notamment grâce à de nombreuses protéines/hormones mais ce n’est pas tout ! Car au-delà de la ferritine, l’hepcidine, de la transferrine, des récepteurs de la transferrine etc,  le fer a besoin de « co-équipiers » pour être utilisé à chaque étape. Ces co-équipiers, on les appelle les cofacteurs du fer : il s’agit de micro-nutriments (vitamines, minéraux) sans lesquels le fer ne peut pas être utilisé :

* vitamine A : elle aide au transport et à la distribution du fer dans le corps
* vitamine C : elle  aide à l’absorption du fer
* vitamine B2 : elle est  impliquée dans le métabolisme et l’absorption du fer
* vitamin B8 : elle accompagne la production d’hémoglobine
* cuivre : il est essentiel pour que le fer puisse sortir de son stockage (ferritine) afin d’être utilisé.

Globalement on peut résumer en disant que le fer n’est pas réellement utilisable sans vitamines du groupe B, vitamine C, sans cuivre et sans vitamine A. Ou plus précisément sans quantités suffisantes et biodisponibles (utilisables) de ces nutriments (qui peuvent être sous forme inactives dans notre corps et donc… ne servir à rien pour le fer).

Parfois, la “carence” en fer est plutôt un problème de carence ou de non disponibilité des co-facteurs du fer. Comme d’habitude, en nutrition, tout est plus complexe qu’il ne paraît !

Le lien avec les infections chroniques

Les infections comme les bactéries, parasites et autres organismes qui prolifèrent un peu trop et deviennent “indésirables” dans notre corps (car ils peuvent perturber notre santé à tous les niveaux !) ont tendance à raffoler du fer. Le corps a donc prévu un mécanisme de protection : pour éviter de nourrir ces proliférations, quand elles sont présentes, il va faire en sorte que le fer ne leur soit pas disponible. Il va ainsi sortir le fer de la circulation et le stocker dans les cellules sous forme de ferritine. Les infections n’y ont donc plus accès.

Plusieurs conclusions à tirer de cela :

* Une ferritine robuste voire élevée est souvent synonyme d’infections chroniques et d’inflammation chronique ;

* Une ferritine robuste voire élevée est souvent synonyme d’impossibilité d’utiliser le fer pour nous aussi (quand le fer est stocké, les bactéries ne peuvent pas en profiter, mais nous non plus !). On peut donc faire l’expérience de symptômes de carence en fer alors qu’on a suffisamment de fer (ou même trop) dans notre corps, tout simplement parce qu’on ne peut pas l’utiliser ;

* Les symptômes de carence en fer viennent parfois d’un problème autre que le fer, en l’occurrence les infections chroniques.

 

Le lien fer – vitamine D

Beaucoup de gens prennent de la vitamine D en continu tous les hivers (voire également en printemps/été) en se basant uniquement sur le dosage sanguin de la 25-OH-D qui est la forme de stockage de vitamine D (non active).  Mais en se supplémentant en vitamine D, on augmente souvent à l’aveugle la forme active de vitamine D qu’on n’a pas l’habitude de tester.

Or une vitamine D active trop élevée va encourager la sortie du fer des cellules, le rendant disponible pour d’éventuelles infections chroniques (qui raffolent du fer, cf post précédent) qui en profitent pour proliférer… Aussi, en encourageant la sortie du fer des cellules, une vitamine D active trop élevée peut faire baisser la ferritine de manière “artificielle”. Faisant croire à certains qu’ils souffrent de « carence en fer », alors qu’il n’en est rien.

Le lien entre fer et vitamine D est très complexe (sans compter le sujet de la vitamine D en soi, et du fer en soi !! résumer cela en un article est très difficile) mais ça vous donne une petite idée d’un mécanisme qui peut moduler la ferritine sans forcément signifier “carence en fer”.

Encore faudrait-il absorber le fer…

Tant de femmes se complémentent en fer de nos jours sans pour autant considérer avant tout leurs capacités d’absorption du fer. Or il faudrait commencer par là ! Travailler sur l’absorption peut parfois suffire à régler le problème. Et si on doit prendre des compléments de fer, se préoccuper de l’absorption peut faire en sorte qu’on les absorbe réellement.

Déjà, sachez que le fer d’origine végétale est peu absorbé (seulement 1 à 20% d’absorption dans les meilleurs cas) par rapport au fer d’origine animale (15 à 35%). Et surtout, l’acide gastrique (l’acide de l’estomac) joue un rôle très important dans l’absorption du fer. Donc si on n’en produit pas assez (ce qui est ultra fréquent, car rien qu’un peu de stress inhibe ou réduit la production d’acide gastrique, car des carences courantes surtout en cas de végé/véganisme en sodium zinc ou vitamine B1 empêchent sa production…), ou qu’on prend des médicaments qui réduisent l’acide gastrique (anti-acides/IPP/anti-histaminique H2), on risque d’en absorber encore moins qu’à la normale.

Quand on a réellement une carence en fer, il faut donc commencer par investiguer l’absorption en parallèle de la prise de compléments !

Pour conclure

J’espère vous avoir donné ici une petite idée de la complexité du sujet du fer, et de pourquoi la simple mesure de la ferritine ne peut pas, selon moi, déterminer une carence ou non en fer.

Si tout cela vous a intriguée, je vous invite à creuser le sujet en profondeur en vous offrant le replay de ma conférence sur le fer qui explore :

* Le fer : qu’est-ce que c’est concrètement, à quoi ça sert, dans quoi on le trouve, le fer végétal versus le fer animal, qu’est-ce qu’il se passe dans le corps une fois qu’on a ingéré du fer (comment il est absorbé, utilisé, métabolisé, recyclé etc).

* La fameuse carence en fer, les symptômes et surtout les causes sous-jacentes/profondes de la carence en fer (vous commencerez à comprendre pourquoi la complémentation en fer est le plus souvent vaine puisque le problème vient d’ailleurs).

* Un point sur le mot « anémie » qui ne désigne pas que la carence en fer ! Mais aussi d’autres carences…

* Le cas de l’excès de fer, beaucoup plus courant qu’on ne le pense. Et celui de l’hémochromatose (un excès de fer particulier).

* Focus sur les analyses de fer : pourquoi la ferritine ne suffit clairement pas et en quoi elle peut induire en erreur, quels autres marqueurs demander pour bien mieux évaluer le statut de fer, LE marqueur à demander pour arbitrer quand on a un doute…

* Mes observations perso et mon approche riche d’années de pratique auprès de centaines de clientes : je vous dirai pourquoi les « réelles » carences en fer sont en réalité très peu fréquentes.

* Les solutions quand on a une vraie carence en fer/un excès de fer. Ce qui sera l’occasion de faire un point important sur les compléments et l’alimentation.